Questions légitime : les femmes bénéficient-elles de l'effet des statines ?
Est-il
justifié de se poser cette question ?
Oui. Car les
maladies cardiovasculaires touchent différemment les hommes et les femmes.
Les hommes
sont plus nombreux que les femmes à mourir d’une cardiopathie ischémique ou
d’un infarctus aigu du myocarde, mais l’insuffisance cardiaque et les maladies
vasculaires cérébrales frappent davantage les femmes que les hommes.
Une idée reçue (qui court encore malgré les preuves
scientifiques) était que les femmes étaient protégées par leurs hormones. Des
essais cliniques ont mis fin à cette croyance. C’est même le contraire qu’on a
constaté : l’hormonothérapie augmente les risques cardiovasculaires et
augmenterait le cancer du sein.
L'étude de Framingham
L'étude de Framingham
L’intérêt
dans la relation entre la cholestérolémie et les maladies cardiovasculaires remonte
aux années 1950 et à l’étude de Framingham. Cette étude a montré que, parmi de nombreux
autres facteurs de risque, une cholestérolémie élevée serait associée le risque
de maladies du cœur chez les jeunes hommes et ceux d’âge moyen. Toutefois, ces conclusions
n’étaient pas valables pour les femmes et les personnes âgées.
De fait, « il y a une corrélation significative entre une cholestérolémie totale élevée et une augmentation du risque de décès d’une maladie du cœur uniquement jusqu’à l’âge de 60 ans... [et] le risque de décès de causes autres que les maladies du cœur augmente de façon significative avec une cholestérolémie totale inférieure pour les hommes et les femmes après l’âge de 50 ans. »
De fait, « il y a une corrélation significative entre une cholestérolémie totale élevée et une augmentation du risque de décès d’une maladie du cœur uniquement jusqu’à l’âge de 60 ans... [et] le risque de décès de causes autres que les maladies du cœur augmente de façon significative avec une cholestérolémie totale inférieure pour les hommes et les femmes après l’âge de 50 ans. »
Une "cholestérol mania"
La trop
grande importance accordée à ce facteur a détourné l’attention des autres
facteurs de risque qui sont des indicateurs plus sûrs de maladies et de risques
cardiovasculaires.
La « cholestérolisation » des maladies cardiovasculaires– c’est-à-dire,
l’accent mis sur un facteur de risque unique – a connu un regain de souffle
avec l’élaboration de lignes directrices sur le cholestérol en 2001. Celles-ci,
qui furent mises à jour par le National Cholesterol Education Program (NCEP) de
2004, préconisèrent la surveillance de la cholestérolémie dès l’âge de 20 ans
ainsi que des taux acceptables beaucoup moins élevés qu’auparavant pour la
prévention primaire et secondaire de maladies cardiovasculaires chez les femmes
et les hommes.
Les statines
Abramson J. Overdosed America: The broken promise of American medicine. New York:
Harpercollins, 2004
Walsh JME et Pignone M. « Drug treatment of hyperlipidemia in women ». JAMA. 2004;
291:2243-2252.
Therapeutics Initiative. « Do statins have a role in primary prevention? » Therapeutics Letter 48. 2003.
Officiers ALLHAT. « Major outcomes in high risk hypertensive patients randomized to
angiotensin-converting enzyme inhibitor or calcium channel blockers vs diuretic: The
antihypertensive and lipid-lowering treatment to prevent heart attack trial (ALLHAT). » JAMA.
2002: 288(23):2981-2297.
Primary Prevention of Acute Coronary Events With Lovastatin in Men and Women With Average Cholesterol Levels - Results of AFCAPS/TexCAPS
Effets secondaires des statines : le cas des femmes âgées
Les statines
Les statines
font partie du groupe de médicaments inhibiteurs HMG CoA-reductase. Elles agissent
en inhibant le 3-Hydroxy-3-MethylGlutaryl-coenzyme A Reductase (HMGR), un enzyme
du foie dont le rôle est essentiel aux premières étapes de synthèse du mévalonate,
qui va donner de nombreuses molécules indispensables à la vie cellulaire, dont
une d’entre elles est le fameux cholestérol.
Il est faux de dire que les statines inhibent le cholestérol. Elles inhibent plusieurs molécules, un peu comme une boule de bowling renverse plusieurs quilles.
Il est faux de dire que les statines inhibent le cholestérol. Elles inhibent plusieurs molécules, un peu comme une boule de bowling renverse plusieurs quilles.
Réduction de la cholestérolémie chez les femmes
En 2003,
l’agence américaine qui passe en revue la qualité des études sur les soins de santé
a publié un rapport sur les femmes et les maladies du cœur déclarant qu’il n’y
avait pas de preuve suffisante pour établir que la réduction des taux de
lipides, peu importe la méthode utilisée, réduisait le risque de crise
cardiaque ou d’AVC chez les femmes, les femmes ayant été sous-représentées dans
les essais cliniques.
En fait, de nombreuses
études prospectives ont montré qu'un LDL bas chez les femmes n’apporte pas de protection et est même dangereux.
Les femmes
et les essais cliniques : une méta-analyse de Walsh et Pignone
L'un des examens les plus approfondis
des femmes et des essais cliniques de statines a été entrepris en 2004 parWalsh et Pignone. Cette méta-analyse a évalué les données de tous les essais
cliniques significatifs de médicaments hypocholestérolémiants (tant les préparations
à base de statine que celles sans) et les femmes.
Comme ce fut les cas des analyses
précédentes, les auteurs ont constaté qu’il y avait peu de preuves et que l’on négligeait
de désagréger les données sur les femmes dans les principaux essais.
Cette
étude de plus de 1 500 publications a révélé que les femmes ne figuraient que
dans 21 essais cliniques sur la réduction de la cholestérolémie et que
seulement neuf de ces essais avaient publié leurs résultats selon le sexe.
Environ deux tiers des femmes provenaient de seulement deux études, HPS et
ALL-HAT, essais qui ont depuis été contestés. Walsh et
Pignone ont contacté les auteurs des études et ont pu obtenir certaines données
additionnelles non publiées.
L’analyse de Walsh et Pignone a
constaté qu’il n’y avait pas de raisons fondées sur des preuves de qualité
élevée pour justifier le recours à une statinothérapie chez les femmes sans
cardiopathie connue (prévention primaire) et que les preuves existantes ne démontraient
pas que la réduction de la cholestérolémie réduisait la mortalité.
Ils observent que comme les femmes
ont un risque moins élevé de maladie cardiovasculaire que les hommes,
peu importe l’âge, le nombre de femmes qu’il faudrait traiter pour empêcher une
crise coronaire est le double du nombre d’hommes.
Dans l'essai AFCAPS (1998), les femmes ne bénéficient pas des statines de manière significative. On observe 7 événements (groupe lovastatine) contre 13 événements (groupe placebo), ce qui n'est pas significatif, vu le faible nombre de femmes inclus dans l'essai.
Dans l'essai AFCAPS (1998), les femmes ne bénéficient pas des statines de manière significative. On observe 7 événements (groupe lovastatine) contre 13 événements (groupe placebo), ce qui n'est pas significatif, vu le faible nombre de femmes inclus dans l'essai.
Évaluations
précédentes des avantages de la prévention primaire chez les femmes
Il est de toute première importance
d’évaluer la validité des essais de prévention primaire
et leur utilisation pour justifier
les prescriptions aux femmes parce que 75 % des femmes qui prennent des
statines le font en guise de prévention primaire.
En plus des
travaux de Walsh et Pignone, d’autres études ont soulevé des doutes sur l’utilisation
de statines pour la prévention primaire chez les femmes, dont notamment l’examen
des essais de prévention primaire de la Therapeutics Initiative, qui a examiné un
total de 10 990 femmes. Cette vue d’ensemble a également conclu qu’il n’y avait
pas de preuves qu’une thérapie aux statines réduisait les événements
cardiovasculaires chez les femmes.
Une analyse détaillée de l’essai
clinique de prévention primaire ALLHAT, qui comprenait des hommes et des femmes
choisis pour réduire leur cholestérolémie conformément aux lignes directrices
américaines de 2001 sur les statinothérapies, n’a pas constaté d’avantages au
plan d’une diminution générale de la mortalité chez les femmes et les hommes ni
chez les personnes âgées, avec ou sans maladies du cœur.
L'essai ALLHAT montre que les recommandations américaines poussent à la surconsommation de statines pour un bénéfice nul pour la santé.
Mais c'est un bénéfice financier énorme pour quelques entreprises...
De plus, l’analyse évoque la
difficulté d’extrapoler aux femmes les avantages d’essais centrés sur les
hommes.
Ainsi, un des essais clés de prévention primaire cités par les auteurs des lignes directrices américaines en tant que preuve des avantages pour les femmes ne contenait pas de femmes, en réalité (l'essai WOSCOPS ne comportait que des hommes blancs, écossais, ultra-sélectionnés).
Ainsi, un des essais clés de prévention primaire cités par les auteurs des lignes directrices américaines en tant que preuve des avantages pour les femmes ne contenait pas de femmes, en réalité (l'essai WOSCOPS ne comportait que des hommes blancs, écossais, ultra-sélectionnés).
Mensonge ou incompétence des cardiologues américains ?
La théorie du « the lower, the
better » étant de moins en moins convaincante (car le marketing
sous-jacent a été exposé, analysé et critiqué par des scientifiques
indépendants et que le dogme du LDL est en train de tomber), il serait temps d’aborder l'inutilité des statines, surtout dans
le cas des femmes.
Sources :
Sources :
Abramson J. Overdosed America: The broken promise of American medicine. New York:
Harpercollins, 2004
Walsh JME et Pignone M. « Drug treatment of hyperlipidemia in women ». JAMA. 2004;
291:2243-2252.
Therapeutics Initiative. « Do statins have a role in primary prevention? » Therapeutics Letter 48. 2003.
Officiers ALLHAT. « Major outcomes in high risk hypertensive patients randomized to
angiotensin-converting enzyme inhibitor or calcium channel blockers vs diuretic: The
antihypertensive and lipid-lowering treatment to prevent heart attack trial (ALLHAT). » JAMA.
2002: 288(23):2981-2297.
Primary Prevention of Acute Coronary Events With Lovastatin in Men and Women With Average Cholesterol Levels - Results of AFCAPS/TexCAPS
Effets secondaires des statines : le cas des femmes âgées
Un article fort salutaire qui bat en brèche nombre d'idées reçues : en particulier le fait que les femmes seraient moins touchées que les hommes par l'insuffisance cardiaque. Or selon l'INCa lui-même, elle tue davantage de femmes que les tumeurs. On en parle peu: bien moins médiatique que le cancer du sein.
RépondreSupprimerMerci également pour avoir pointé du doigt la sous représentation des femmes dans les essais cliniques en cardiologie.
Rachel Campergue
http://www.expertisecitoyenne.com