mardi 30 avril 2013

Essai HPS : dissimulation des données

L'étude Heart Protection Study (HPS) est un bon exemple d'étude biaisée et trompeuse. Regardons de plus près ce qui ressemble à de la "science" et ce qui se rapproche plutôt du "marketing" dangereux.



Premièrement, quand on sait qui finance l'étude et qui la réalise, on peut déjà être méfiant.
Le sponsor est MERCK, connu pour ses multiples procès et son influence tentaculaire.
Merck c'est le VIOXX, soit 100000 victimes, plusieurs dizaine de milliers de morts.
Les investigateurs principaux sont une officine des labos, avec une apparence de respectabilité universitaire : c'est le fameux CTSU (voir mon article sur cette bande de leaders d'opinion payés par l'industrie).

On a donc tous les voyants au rouge, et toutes les raisons de ne pas être crédules en lisant leur étude.

MERCK est le fabricant de la simvastatine. Aussi, tous les essais majeurs sur ce produit commercial sont sponsorisés et contrôlés par MERCK, ce géant pharmaceutique.
C'est MERCK qui a produit le "miraculeux" essai 4S, dont les résultats impressionnants n'ont été égalé par aucun autre essai depuis, même les plus biaisés.
Cela montre que l'essai 4S est "exceptionnel", un cas unique, à part. Merci MERCK !

Ce que peu de monde sait, c'est que l'essai HPS n'était pas là que pour tester la simvastatine (et mieux la vendre).
C'était un essai complexe, qui testait aussi des antioxydants (vitamines E et C, bêta-carotène).
Il y avait en fait 2 hypothèses, ce qui est toujours plus dur pour conclure de manière scientifique, même lorsque l'on est honnête et rigoureux.
Il y avait donc 4 groupes de 5000 personnes environ :
  • simvastatine + antioxydants
  • simvastatine + placebo (statine seule)
  • placebo + antioxydants
  • placebo + placebo (placebo seul)
Il aurait été intéressant de connaître les résultats du groupe "statine seule" contre le groupe "placebo seul". Mais au pays du marketing et des dissimulations, nous n'y aurons pas accès.
HPS est un essai marketing de MERCK, destiné à augmenter les prescriptions de statine et à changer les recommandations internationales.
Pas à faire de la bonne science.

Les investigateurs le disent eux-mêmes dans ce qu'il publient : cette étude est une justification à la prescritipn de statines et a pour but d'apporter des éléments pour en prescrire à des populations sur lesquelles on n'avait pas encore assez d'éléments.
Bravo  les scientifiques ! En 2002, les statines sont diffusé massivement depuis plus de 10 ans, et un groupe de "génies" a l'idée de chercher si c'est efficace ou pas dans différents groupes.
On n'aurait pas du commencer par là ???

On voit bien que cela ne tient pas debout, ni éthiquement, ni scientifiquement.
Mais commercialement, alors là oui cela tient debout.
Et évidemment, toutes les agences sanitaires mondiales vont se faire avoir, comme toujours.
On aurait du mettre l'AFSSAPS en examen pour "naïveté dangereuse" ou "incompétence mortelle", depuis longtemps, et bien avant l'affaire du MEDIATOR.


 Après ces quelques considérations critiques, visant le contexte marketing et les conflits d'intérêts financiers, regardons maintenant la façon dont les résultats sont présentés.

Inclusion et première fraude
On voit que 63603 personnes ont été analysées et auraient pu participer à l'essai.
Seulemen 32145 vont accepter.
Il va alors se dérouler une phase, appelée "phase de triche légale, qui fraude les résultats mais dont personne ne parle".
On dit aussi en langage naïf : phase de pré-randomisation ou "run-in phase".

C'est une phase qui permet aux scientifiques payés par MERCK et contrôlés par MERCK de voir quels seront les meilleurs patients pour que l'essai soit un succès commercial.
Pour cela, il faut écarter les patients fragiles, qui ressemblent trop aux patients réels.
Et il faut garder des patients qui réagissent bien à la statine (LDL-lowering responsiveness) et qui n'ont pas trop d'effets secondaires (Compliants individuals who did not have a major vascular event or other serious problem during the run-in).
Cette phase élimine ainsi 36% des gens qui ont accepté de participer à l'essai.
Au final, on en garde 20536.

La population de cet essai a déjà eu des accidents coronaires ou un infarctus : 65%.
Le reste a eu des AVC, des maladies artérielles et/ou du diabète de type 2.
Notons que les investigateurs nous cachent les caractéristiques de la population, alors que c'est une information de base, demandée pour chaque essai publié.
On ne connait même pas l'âge moyen.
On ne sait pas si les groupes sont équivalents.
Bravo à  The Lancet, qui publie (une fois de plus) un essai mal fait et mal présenté.

HPS n'est donc pas un essai de prévention primaire, mais bien secondaire.


Les données sur la mortalité sont cachées
Autre point choquant dans cette mascarade de science" : les données sur la mortalité ne sont pas données.
Au lieu de comparer le groupe "statine" et le groupe "placbo", ils prennent l'ensemble et en font un gros paquet informe.
Comment The Lancet peut-il publier un tel torchon, sans avoir le couteau de MERCK sous la gorge ?

Résultats de HPS
On trouve donc 12,9% de morts dans le groupe "simvastatine 40mg" et 14,7% dans le groupe "placebo". Soit une réduction gigantesque et incroyable de 1,8% en 5 ans, sur 10 000 personnes.
Un quasi miracle non ?
Cela correspond à 57 personnes, qu'il faut traiter pendant 5 années, pour espérer en sauver une.
On appelle cela le NNT (Number Needed to Treat).

Un miracle certainement, car tous les autres essais faits à la même période ne montrent pas de réduction de la mortalité :   

MERCK est donc le seul à arriver à produire des résultats "miraculeux", ne correspondant pas aux autres études et dissimulés par des études floues et mal publiées. Bravo MERCK !

A noter aussi qu'ils sont capables d'appeler un résultat favorable "marginalement significatif", quand cela va dans le sens du marketing, alors qu'il est négatif (p=0,07, "death of other vascular causes").
Et quand un résultat négatif pour le marketing est proche d'être significatif (p=0,06), là il l'appelle "résultat négatif".
C'est vous dire le sérieux de ces gens...
En général, les résultats des essais cliniques sont décrits avec ce type de mauvaise foi, qui ne s’apparente plus à de la science mais à du boniment de marché, à du marketing trompeur.


Les femmes de HPS
Pour une fois, un essai a recruté un peu plus de femmes que d'habitude, et c'est un gros essai.
Il y a 33% de femmes, ce qui est mieux que 14% (CARE) ou 17% (LIPID) 18,5% (essai 4S) ou carrément 0% (WoSCoPS)

Cependant, les auteurs ne publient pas les données de mortalité pour les femmes.
Cela ne doit pas être une population assez nombreuse sur Terre.
On sait juste que les femmes vont bénéficier globalement (sans aucun détail entre les 4 sous-groupes) d'une amélioration de 3,3%, après 5 années, du nombre d'événements.
C'est la moitié des hommes (6%). Les statines réussissent moins bien aux femmes.
Une donnée bien floue, pour un essai qui veut démontrer que les statines profitent aux femmes mais sans oser nous dévoiler les vraies données en fonction du genre.
Une fois de plus, le marketing est loin de la réalité des chiffres.


Les personnes âgées
On sait que plus on vieillit, plus on est à risque.
Selon le dogme des vendeurs de statines, plus on est à risque et plus une statine vous apporte un bénéfice.
Regardons cela pour les personnes âgées :
  • moins de 65 ans : 16,9 - 22,1 = 5,2% de réduction
  • entre 65 et 70 ans : 20,9 - 27,2 = 6,3 %
  • plus de 70 ans : 23,6 - 28,7 = 5,1%
Contrairement au marketing, les personnes les plus âgées sont celles qui bénéficient le moins de la prise de la simvastatine.
Ce résultat correspond à la majorité des études épidémiologiques, où un bas cholestérol est synonyme de mortalité accrue chez les personnes âgées.


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